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Les contes égarés
28 août 2005

Crimes aveugles 2

« Ah ! Suzana Dirk était belle. » La photo écornée qu’Edmund Brighton trouva entre les coussins du canapé le confirmait. Sur cette photo, Suzana doit avoir un peu plus de vingt ans. Elle porte un short et un t.shirt rose et violet au nom de son université. On devine trois copines derrière elle qui sourient, mais l’objectif ne leur est pas destiné. Il n’y a que Suzana qui intéresse le photographe. Edmund se demande qui a pris cette photo. Peut-être un des petits amis de Suzana. Elle en avait plusieurs à l’époque. D’ailleurs, étrangement, son regard bleu semble chercher quelqu’un. Quelqu’un qui passe derrière le photographe, un peu sur sa droite. Et son sourire, bourré de charme et de sensualité, ne s’adresse pas, c’est certain à l’appareil photo.

« Je t’aime, mais je ne suis pas l’homme que tu regardes. » Edmund connaissait bien cette phrase résignée qui lui tournait dans le crâne depuis plusieurs mois. Il avait suffi d’un dérapage. D’un grain de sable dans les pignons bien huilés de son histoire d’amour avec Lana. Ça s’était passé au club de gym, sur un vélo d’entraînement. D’une manière très innocente, Lana avait raconté à Edmund un truc incroyable qui lui était arrivé pendant une séance de Body Bike. C’était vers la fin du cours, la musique était poussée à fond, avec des basses tonitruantes comme dans une boîte de nuit. Elle était épuisée, et elle forçait comme une dingue pour gravir un col de troisième catégorie sur son vélo statique. Le coach voyait bien qu’elle faiblissait. Elle était en sueur, le visage rouge, le cou surtout, et la naissance de sa poitrine dans une brassière  blanche Everlast.

« C’est là que ça s’est passé. » qu’elle a dit.

Elle disait qu’elle sentait le vélo vibrer entre ses jambes, la selle entre ses cuisses. Elle souffrait, les muscles brûlés par le carbone, mais elle s’accrochait coûte que coûte, et en même temps, la douleur était bonne. Mais ce qui l’a vraiment excité, c’était la voix de son coach. Il s’est approché d’elle, et s’est mis à lui gueuler dans les oreilles comme un sergent recruteur de la Navy. Sauf que le sergent-chef mesure un mètre quatre vingt-cinq et que c’est un ancien joueur de foot américain, des cheveux bruns très courts, et des yeux gris. Il porte le même t.shirt gris que Rocky, sans manche, et il a toujours une nappe de sueur sur le torse et dans le dos. Il a la peau mate, mais c’est pas des U.V, c’est vraiment le soleil parce qu’il part tous les six mois pour faire du surf.

Il s’est penché sur Lana, et il lui a braillé un tas de trucs pour qu’elle aille jusqu’en  haut du col.

« Allez Lana ! C’est pas le moment de me décevoir ! Tu le vois le sommet de cette putain de montagne ! Hein Lana ! Tu vas pas me lâcher ! Accroche-toi, t’es la plus belle Lana, t’es la plus forte ! Tu vas lui casser la gueule à ce putain de pic de merde ! Il est à toi Lana, allez, allez, accroche-toi, vas-y, viens, continue, appuie ! Encore, encore ! »

Et  tout un tas de conneries du même genre, mais Lana dit qu’elle s’est senti transcender. Qu’elle n’avait jamais ressenti un truc pareil.

- Je sais que c’est super basique, que c’est primaire, mais ça m’a fait un truc, je ne sentais plus mon corps, juste la selle entre mes jambes, et sa voix. Même la musique, je l’entendais plus.  Il me restait trois cents mètres à faire, et il a commencé à me parler plus doucement. J’étais super contractée, j’avais mal à la nuque, partout, je me déhanchais sur le vélo, je voulais y arriver, je pensais plus à rien, mais je sentais bien que quelque chose allait se produire. C’est là, tu vois, quand il a posé ses mains sur moi, pour me masser les épaule. J’arrivais au bout, j’ai senti toute la tension se relâcher d’un seul coup, et je me suis  pliée en deux sur le guidon en soufflant fort. Je te jure Edmund, j’ai pas pu me retenir, j’ai eu un orgasme sur mon vélo, au beau milieu de la salle de gym.

- T’as joui devant lui ?

- Ben oui, mais ce gros con, il ne s’est aperçu de rien, enfin, je crois… J’espère.

Après le grand con, comme elle disait, lui a caressé la nuque. Enfin, il a juste laissé traîner sa main près des petits cheveux ras, là où ça chatouille le plus. Là, où n’importe qui a des frissons. Lana a gardé son visage enfoui dans ses bras sur le guidon, pour reprendre sa respiration. Enfin, pour s’en remettre, mais elle n’était pas dupe, et lui non plus. Il n’y avait qu’à jeter un œil sur le short en lycra moulant du sergent-chef. Évidemment, ça, Edmund, n’avait jamais réussi à le lui faire admettre, mais il n’était pas flic pour rien. Et la voix innocente, presque candide de Lana quand elle lui avait raconté cette histoire, était pour lui, le plus terrible des aveux.

Pour éviter de souffrir, et de se ronger de jalousie, il avait décidé d’en fabriquer un fantasme. Comment, avait-il pu s’allonger sur ce canapé infect, et déboutonner son pantalon dans ce taudis, il n’en savait rien. C’était peut-être les gros seins de Suzana Dirk sous son t.shirt. La perversion dans son regard aussi. Le fait qu’elle regarde un autre type, au moment même, où celui qui se croit être son petit copain fait une photo d’elle, qui l’avait excité. En tout cas, il repensait à Lana, et à son coach, à ce moment d’érotisme qu’il devait se contenter de vivre, de revivre et de recréer en s’astiquant la queue. Pourtant, c’était vraiment le dernier endroit du monde où il fallait faire ça. Non, c’était ni l’endroit, ni le moment…

        A suivre...

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  • Des nouvelles et des contes qui ne sont pas réservés aux enfants... Et si ça marche et que ça vous intéresse, l'enquête d'Edmund Brighton sur un personnage étrange surnommé Blix. Une histoire à suivre mois après mois...
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